LAUSANNE – Jusqu’à dimanche, le cinéma Oblo et le Théâtre 2.21 cèlèbrent l’hybride.
Cap sur un joyeux désordre à Lausanne pour le Trans-avant-garde Oblò Underground Festival (Tagouf), une série de concerts, de projections et de performances qui se déploie au cinéma Oblò jusqu’à samedi, et au théâtre 2.21 dimanche. Le scatologue Jean-Louis Costes et le documentariste Pierre Carles font figure de vedettes mais ne sont que quelques-uns des conspirateurs d’une affiche délibérément «éclatée, hybride», dans les mots du co-programmateur Ricardo da Silva. Thématique 2010 de ce deuxième avatar d’une manifestation sans sponsors ni subventions: le transgenre. Subvertir et investiguer la notion de genre est au programme. Citons le film XXY de Lucia Puenzo qui met en scène une protagoniste hermaphrodite, une projection qui sera suivie demain d’une discussion avec une sexologue. Mentionnons aussi deux programmes de courts métrages «post-pornographiques», «une réappropriation du porno par des mouvements d’émancipation sexuelle», explique Ricardo Da Silva. Et sur scène, alors que le performer Jean-Louis Costes mettra samedi le strip-tease en pièces, le transformiste Christophe Grillon interrogera le lendemain miroirs et maquillage le long d’un «glissement d’homme à femme».
Mais le transgenre rapporté à l’esthétique, c’est aussi la juxtaposition ou la confrontation des styles, qu’ils soient musicaux ou cinématographiques. «Ne pas voir rock, jazz ou funk comme des catégories figées, et mettre du classique au milieu», voilà le programme pour la partie sonore. L’Oblò résonnera donc de force improvisateurs, Convulsif Big Band ou autres DIY Kamikaze Orchestra, catapultant musique expérimentale, instruments de fortune et free jazz. Des ensembles du conservatoire de Lausanne jouant du contemporain ou du classique les côtoieront pour réaliser la désirée «conjonction de musiques et de publics». La fusion des éclats sonores et politiques sera scellée par une conférence d’Anthony Iles sur «noise et Capitalisme». Cet esprit d’ouverture musicale, on le retrouve dans un autre rassemblement, l’anglais All Tomorrow’s Parties. Depuis dix ans, ce festival est parvenu à instaurer une nouvelle relation entre programmation, artistes et auditeurs, une expérience retracée dans un documentaire montré au Tagouf. Enfin, mentionnons un projet qui mêle son et image, la sonorisation en direct par le H.A.K. LO-FI du film-jalon qu’est Freaks de Todd Browning (1936), et terminons avec Pierre Carles qui présentera, vendredi son film sur le professeur Choron, intransigeant transgresseur. BENOÎT PERRIER
Note : Trans-avant-garde Oblò Underground Festival, me 26 à sa 29 mai, cinéma Oblò (av. de France 9) et di 30 mai, Théâtre 2.21 (rue de l’industrie 10) à Lausanne. Rens: tagouf.oblo.ch
Le «Trans avant-garde Oblo underground festival», alias Tagouf, s’apprête à dynamiter les canons du bon goût, le temps d’un minifestival à l’Oblò de Lausanne.
Résolument d’avant-garde et follement pas sérieux, le Tagouf prend Lausanne d’assaut dès mercredi, et embarque le public dans un «voyage trans-identitaire» fort en adrénaline. Pour sa deuxième mouture, ce minifestival des cultures transgenres et underground dispose d’un programme propice aux décollements de rétine, tant il foisonne d’ateliers, de lectures ou de perfos. Tiens, par exemple, la venue du bouillant stripteaseur trash Jean-Luis Costes («Fuck the Burlesque», samedi).
Gare à vos oreilles, des bricolages explosifs se préparent aussi côté sono, avec notamment les Zurichois de DIY Kamikaze Orchestra (samedi) ou Convulsif Big Band (vendredi), grands massacreurs de meubles de jardin devant l’éternel.
A signaler également, mêlant cinéma et exploration acoustique, le collectif français Hak Lo-Fi qui s’emparera dimanche de la bande-son du classique trash «Freaks» (1932). Et bien sûr, réservée à un public majeur et vacciné, la soirée consacrée au porno, quand celui-ci s’affranchit du sexisme et de la marchandisation (mercredi, avec notamment «Under the Red Umbrella», de Julia Ostertag). Bref, «Eat your makeup!», comme dirait John Waters.
Paru le Samedi 29 Mai 2010, dans Le Courrier, by Roderic Mounir
«NOISE MUSIC» Le bruitisme est-il soluble dans le capitalisme? Plusieurs livres apportent un éclairage théorique sur cette esthétique radicale, objet d’étude ce soir à l’Oblò à Lausanne, puis au Spoutnik et à la HEAD. Plusieurs concerts ont lieu simultanément en Suisse romande.
«Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Noise, le capitalisme et la révolution culturelle à l’ère supersonique sans jamais avoir osé le demander.» Singulière démarche que celle de l’Oblò, la salle associative lausannoise qui propose cette semaine – jusqu’à demain encore – son Trans-Avant-Garde Oblò Underground Festival (Tagouf), en partenariat avec le Théâtre 2.21. Au menu, les expressions artistiques hybrides et subversives (musique, cinéma, performance). L’Oblò lance le débat sur les rapports entre la musique bruitiste, en tant qu’esthétique radicale, et les conditions politiques, culturelles, économiques de son existence. Ceci alors que plusieurs concerts Noise ont lieu ce week-end (notamment à Genève avec Wolf Eyes à l’Usine et une soirée Necro Flesh Eaters à l’Ecurie, et au Kilbi Festival de Guin avec Maja Ratjke et Stephen O’Malley).
Intitulé Noise & Capitalism, le débat de l’Oblò s’inspire de l’ouvrage collectif du même nom, publié par l’éditeur basque Arteleku et téléchargeable librement sur Internet (www.mattin.org). Son coéditeur, l’écrivain et critique anglais Anthony Iles, en fera la présentation au public avant de lancer la discussion. Dans la foulée, il se rendra à Genève, où la Haute école d’art et de design (HEAD) et le cinéma Spoutnik l’ont invité à présenter deux programmes de films expérimentaux, dimanche et lundi, et à donner mardi une conférence sur l’utilisation du langage dans l’art, la musique et la poésie d’avant-garde (détails page suivante).
Qu’est-ce que le Noise? «Il est difficile à catégoriser, explique Anthony Iles, contacté à Londres juste avant de s’envoler pour les bords du Léman. Les auteurs du livre n’en ont d’ailleurs pas tous la même définition. Certains l’assimilent à la pratique de l’improvisation, d’autres le définissent en fonction de critères sonores, ou encore de ses structures (dispositifs live performatifs, réseaux de diffusion do-it-yourself, etc). On peut simplement dire que le Noise résulte de l’altération extrême d’un signal sonore.» Le reste est affaire d’ordonnance et de volume. Art de la déconstruction, le Noise, s’oppose dans une large mesure à une autre avant-garde, sclérosée, incarnée par la musique contemporaine écrite, ou «savante». Il est motivé par des critères esthétiques et politiques radicaux, comme le fut le free-jazz dans les années 1950-60 et le punk-rock dans la décennie suivante.
Ray Brassier, du Centre de recherche sur la philosophie européenne moderne à l’université de Middlesex (Londres), l’explique ainsi dans «Le Genre est obsolète», sa contribution à Noise & Capitalism: «Noise ne désigne pas seulement le no man’s land entre l’investigation électroacoustique, l’improvisation libre, des expérimentations d’avant-garde et le sound art; de manière plus intéressante, cela renvoie aussi à des zones d’anomalie, d’interférence entre les genres: entre le post-punk, le free jazz; entre la musique concrète et la musique traditionnelle; entre la composition stochastique et l’art brut.»
la BOURGEOISie et ses MéDICAMENTS
«C’est un moment intéressant pour le Noise, constate Anthony Iles. Il est à la croisée de nombreuses préoccupations contemporaines et on le retrouve au coeur de travaux académiques, dans des publications spécialisés comme le magazine The Wire.» Mais à flirter avec des styles musicaux «tendance» dans l’underground (black metal, électronica), et à servir d’alibi avant-gardiste dans les centres d’art contemporain, le Noise ne risque-t-il pas de perdre son âme? Un musicien comme Zbigniew Karkowski, peu apte au compromis et qui se revendique underground (lire page suivante) refuse pour sa part de s’inscrire dans la vogue du sound art, qui prend souvent la forme d’installations où la musique expérimentale sert une démarche conceptuelle.
Dans Noise & Capitalism, le musicien anglais Edwin Prévost livre une critique percutante de la marchandisation des avant-gardes. Cofondateur, au milieu des années 1960, de l’Ensemble AMM avec Keith Rowe et John Tilbury, il intitule sa contribution «Improvisation libre en musique et capitalisme: du refus de l’autorité et des cultes du scientisme et de la célébrité». Son constat est sans appel: «Ce qui se passe aujourd’hui est que dans certains contextes, la dissonance et la déconstruction sont devenues des expériences tolérables. Peut-être est-ce ce à quoi Cardew (Cornelius Cardew, compositeur anglais et membre de AMM, ndlr) faisait référence lorsque durant les années 1960 et 1970 il observait la bourgeoisie endimanchée, par exemple lors de la Biennale de Venise ou des performances de la Merce Cunningham Dance Company. Ils écoutaient attentivement et applaudissaient poliment la musique de John Cage & Co. ‘La bourgeoisie a appris à prendre ses médicaments’, déclara-t-il.»
Selon Anthony Iles, «de la même manière que la musique ne saurait échapper à la marchandisation, les musiciens Noise — — ne peuvent se soustraire à l’exigence matérielle immédiate que leur prescrit le capitalisme (vendre leur force de travail).» Le Noise est a priori soumis aux mêmes conditions objectives que les autres musiques – il existe au sein du système marchand et non au-dehors. Mais en tant que musique improvisée, il résiste mieux que d’autres à la marchandisation, sinon par son radicalisme esthétique, par les stratégies libertaires qu’il déploie – que ce soient les dispositifs très dépouillés de sa représentation publique, ses intentions avant tout éphémères (le live étant sa première justification) ou les réseaux collaboratifs et do-it-yourself qui assurent sa diffusion.
destruction du rock
Musique essentiellement urbaine, le Noise est né de la désindutrialisation progressive, durant les années 1970, de villes comme Newcastle, Manchester, Londres, Detroit ou Cleveland. Des groupes comme SPK, Whitehouse, Einstürzende Neubauten ont recyclé les objets-épaves de la civilisation occidentale (tôle, perceuse, caddie) et leur ont appliqué un traitement de choc électronique. Throbbing Gristle, dont les membres venaient de la performance et des arts plastiques, avait ce credo déshumanisé: «Industrial Music for Industrial People». Nihilisme formel opposé à l’aliénation de l’individu dans la société du spectacle, de l’information, du contrôle (pour citer Debord et Burroughs), cette «usine sans murs» qui fait de chacun de nous les relais de l’idéologie du système. La réaction part aussi du constat de la destruction par la standardisation des musiques jadis «rebelles» – le rock en premier lieu, qui prend la forme d’une véritable industrie au cours des années 1970 et vire à la farce grotesque, aux yeux des observateurs les plus critiques.
Les «parasites» se profilent, dès le début des années 1980, depuis tous les horizons, avec par exemple un fort et influent contingent japonais (Merzbow, Masonna, KK Null, Incapacitants). Pour Csaba Toth, qui enseigne les cultural studies à l’université Carlow de Pittsburgh, «le Noise est devenu une forme de culture transnationale globale».
Fernando Sixto programme de nombreux artistes Noise à la Cave 12, à Genève. Il évoque le Polonais Zbigniew Karkowski, qui rejette avec vigueur «la logique culturelle occidentale. Il passe une grande majorité de son temps en Asie, vit à Tokyo, mais joue avec des musiciens chinois, malaisiens, coréens, indonésiens, singapouriens. Il établit une sorte de lien, éclaire l’activisme expérimental de pays reculés et peu connus.» La Cave 12 n’est pas en reste: «On a reçu cette année un turntablist coréen du sud, Chulki Hong, et dimanche dernier un musicien Noise malaisien, Goh Lee Kwang. Deux excellents concerts qui ont apporté du sang frais et une précision sonore extraordinaire, déroutante, neuve dans l’exécution, sur des instruments devenus pourtant récurrents dans le domaine.» On ne s’étonnera pas, dès lors, de trouver dans Noise & Capitalism des références au philosophe Toni Negri et son concept de «multitude» – ce nouveau prolétariat global, agent d’une myriade de contre-pouvoirs à l’empire du marché. Le Noise, l’improvisation libre, rumeurs sonores de l’altermondialisme?
LE SON, UNE FORCE
«Je n’ai jamais eu d’empathie pour les enjeux philosophiques de la musique», tempère Francisco Meirino, musicien Noise lausannois actif depuis quinze ans (jadis sous le pseudo Phroq) et membre de l’association Oblò Sonic. «Je vois naturellement certaines relations entre les deux champs d’action, mais je n’ai jamais été intéressé de travailler dans ce sens, d’autres le font très bien. A mon humble avis, il y a une simple notion dans le son, davantage physique que philosophique: le son est une force.» Loin de chercher la rupture esthétique, ou de vouloir choquer en étant extrême à tout prix, Francisco Meirino voit dans le Noise «un champ d’action et de création à mes yeux totalement libre de codes esthétiques et techniques et c’est cela qui me plaît et qui fait sa richesse.»
Programmateur de la Cave 12 à Genève, Fernando Sixto est intarissable sur le Noise en général et sur Zbigniew Karkowski en particulier. Le Polonais, ancien élève de Xenakis et enfant terrible du Noise, a donné au bout du lac des performances d’anthologie. Fernando Sixto les relate avec passion, comme il l’a fait dans un texte écrit pour Physiques sonores, le livre sur Karkowski édité par le Groupe de la Riponne (lire ci-dessous).
D’abord cette performance en 2004, dans les locaux historiques de la Cave 12 au squat Rhino: «Un concert clé, qui a radicalement changé l’écoute de la majorité du public présent – une centaine de personnes à l’époque– , dont la mienne. Une leçon magistrale de pur Noise. Un concert généreux de cinquante minutes, alors que Karkowski joue généralement vingt minutes à tout casser (sic).Tout tremblait, le bar, les bouteilles, le plafond en plâtre s’effritait, la sono partait dans le rouge… Une expérience physique absolue, où le son devient matière palpable. Et sans agressivité, sans ces fréquences qui vrillent et font mal aux oreilles. La sono avait tenu le coup, ce fut donc une expérience miraculeuse.»
»Le deuxième point fort fut un concert en duo avec Tetsuo Furudate (musicien et vidéaste japonais, ndlr) en 2009 au Théâtre de l’Usine. Plus loin, plus fou, plus fort, avec des fréquences-torpilles magistrales, emplissant le Théâtre de l’Usine comme jamais auparavant. L’un de nos subwoofers (caisson de basses, ndlr) a pris feu. Mais en douceur, comme dans un âtre de cheminée. Puis la fumée, l’odeur, ce light-show dégagé par le feu, en phase totale avec la musique. Le public impassible, hypnotisé par ce qui se passait sous ses yeux, dans ses oreilles, dans ses narines. Les musiciens en profitaient pour surenchérir soniquement. Une vraie musique dangereuse! Peut-être les Who foutaient-ils en l’air leur matériel en guise de révolte-spectacle – ils en avaient les moyens –, mais quel était le sens de leurs 10 000 guitares et amplis détruits? Là, il y avait autre chose.»
Accessoirement une catastrophe matérielle pour les organisateurs. «Karkowski voulait renoncer à son cachet pour réparer les dégâts, on a refusé. Cela fait partie du jeu, ça nous a mis dans le pétrin, on a dû racler où on pouvait pour réparer, mais le plaisir fut immense, viscéral.» RMR
Physiques sonores, Saccages: ces titres évocateurs sont ceux des deux premiers ouvrages parus dans la collection Rip on/off des Editions Van Dieren1. Le premier est consacré à Zbigniew Karkowski. Le musicien Noise polonais y expose sa méthode, ses objectifs, ses convictions. Il met à profit son érudition – formation classique, références philosophiques, connaissances acoustiques – pour mieux démonter la somme des préjugés. Sans ménagement, Karkowski pourfend «l’art pour l’art» et les théories savantes sur la musique (notation et autres règles mathématiques). Le «son» et les «textures» sont les enjeux irréductibles de sa recherche.
«Pour moi, le timbre et l’attitude sont essentiels», explique Karkowski, qui peut d’autant plus se prévaloir d’une approche radicale, voire «punk», qu’il a étudié tous les pontes de la musique contemporaine et a été l’élève de Iannis Xenakis – le seul «maître» qui trouve grâce à ses yeux, sans doute parce qu’il était architecte et non compositeur de formation. Sans détours, dans un passionnant entretien avec Boris Wlassof (repris du trimestriel Revue & Corrigée), Karkowski critique ses pairs du Noise, les Merzbow, Francisco Lopez et autres Carsten Nicolai, leur reprochant de se répéter et de «ne développer qu’une seule idée», en contradiction avec la démarche expérimentale. Les contributions des éditeurs et de quelques activistes de terrain (Metamkine, Cave 12), ainsi qu’un lexique et un CD inédit, complètent cet ouvrage vif et stimulant pour toute personne s’intéressant aux formes artistiques radicales.
FRAGMENTS ENTROPIQUES
Le second volume est dédié à GX Jupitter-Larsen, musicien, cinéaste et performer californien actif dans l’underground depuis la fin des années 1970, notamment avec le groupe The Haters. Qu’il casse des oeufs sur la tête d’une femme, se fasse tatouer sans encre ou manipule des bandes magnétiques et samplers à des fins bruitistes, GX Jupitter-Larsen explore à sa manière la notion d’entropie (quantité physique qui mesure le degré de désordre d’un système) en écho à l’absurdité de l’inéluctable dégénérescence du corps, mais aussi – et surtout – de la civilisation et de la culture occidentales (prolongement des théories futuristes d’il y a un siècle). Saccages compile des textes brefs – fictions, manifestes, essais théoriques – qui sont autant d’équivalents de son oeuvre sonore: parasités, déconstruits, «saccagés». Là aussi, des lexiques et textes des traducteurs/éditeurs éclairent la démarche de l’artiste et la replacent dans le contexte général des musiques expérimentales.
Ainsi, au fil des publications, «c’est une bibliothèque diversifiée qui se constitue, explique Christian Indermuhle, codirecteur de la collection Rip on/off. Elle comprend déjà un pamphlet (Karkowski), un livre-oeuvre d’art (Jupitter-Larsen) et demain d’autres choses.» Le troisième titre sera signé Michael Gendreau, musicien étasunien et expert en physique acoustique, tandis que Daniel Menche, activiste Noise parmi les plus radicaux, planche actuellement sur son livre.
UN APPEL D’AIR
Tous ces artistes ont été programmés au Lausanne Underground Film & Music Festival (LUFF), dont Thibault Walter, coéditeur de Rip on/off, est l’un des programmateurs. Christian Indermuhle, qui enseigne les sciences humaines et sociales à l’EPFL, relate la genèse du projet: «Il y a dix ans, le Groupe de la Riponne a commencé à se réunir au sous-sol de la Bibliothèque de l’université. Il s’agissait de chercheurs et d’artistes venus d’horizons divers (philosophie, littérature, théologie, culture) qui voulaient confronter leurs thèses et travailler ensemble. Les discussions étaient animées.»
Grâce à l’éditeur parisien Van Dieren, une première collection intitulée Par Ailleurs concrétise ces intentions. Avec succès: l’an dernier, la traduction de Topographie de l’étranger, du philosophe allemand Bernhard Waldenfels, a obtenu le Prix Raymond Aron. Forts de leurs liens avec le LUFF, Thibault Walter et Christian Indermuhle ont ensuite lancé Rip on/off, pour traduire et augmenter la production théorique ou littéraire de figures clés de la musique expérimentale. Imprimés à 450 exemplaires, Physiques sonores et Saccages ont connu une diffusion confidentielle. Ce qui n’entame pas la motivation de leurs éditeurs: «Ces objets étranges et soignés – conçus par les graphistes genevois Notter + Vigne – peuvent intéresser des gens pas du tout initiés au Noise. Ils créent aussi un appel d’air pour des artistes qui, a priori, se méfient de l’édition, régie par des règles de propriété intellectuelle qu’ils récusent.» Aventure à suivre lors du prochain LUFF en octobre. RMR